3 septembre 2012
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, Philippe Duchemin, ce n’est pourtant pas faute de le dire, est l’un des meilleurs pianistes français de jazz. Petersonien en diable, avec une pointe d’Ahmad Jamal et de Hank Jones. C’est d’ailleurs ce que les faiseurs d’opinion du boulevard St Germain détestent : trop américain, disent-ils et ils préfèrent d’autres pianistes moins talentueux mais jouant « plus à côté », « plus déjanté », « plus ailleurs » et surtout, qui ne swinguent pas. Ne les écoutez pas. Sur son dernier CD, Swing & Strings, Philippe Duchemin essaie d’associer musiciens de jazz et musiciens classiques, grâce à des arrangements judicieux. Ce n’est ni du crossover, comme en font certains, ni du salmigondis comme, hélas, en font pas mal d’autres. Il joue avec un quatuor classique à cordes, deux violons, un alto et un violoncelle, le quatuor Atlantique, et avec son trio, lui au piano et les frères Le Van, Christophe à la contrebasse et Philippe à la batterie. Beaucoup de morceaux qu’on a déjà écoutés sur ses disques précédents : Three Pieces, Live, On the New Jersey Road, For Oscar, Massila, The Best of a Jazz Pianist contenaient déjà ces airs, mais ici, ils sont joués, différemment et avec un quatuor. La Barcarolle de juin, des Saisons de Piotr Ilitch Tchaïkovski, son impro particulièrement réussie sur Jean-Sébastien Bach (« Take Bach »), sa composition en clin d’oeil à Chopin (« Ballade en Pologne ») et des arrangements de standards de jazz (de « Caravan » à « Que reste-t-il de nos amours » sans oublier, évidemment, un salut au Maître (« L’Impossible », d’Oscar Peterson). Plus un « Cantabile » de Michel Petrucciani qui fera date. C’est du Philippe Duchemin, impeccable, virtuosissime, swinguant au possible, qui devrait scotcher aussi bien les jazzophiles que les classicomanes. Et renvoyer aux poubelles de l’histoire les faiseurs d’opinion germanopratins. Michel Bedin